La Maison Délorier à Blainville-Crevon

Originaire de la Franche-Comté, le Capitaine Délorier est un vétéran des guerres napoléoniennes. Engagé en 1805, il participe à de nombreuses campagnes dont celle de Russie. Il en est donc un des rares rescapés. Il a perdu un bras dans un combat à Namur, au lendemain de la bataille de Waterloo, et se fait connaître comme l'"Invalide". Il compose des chansons, des contes et un roman historique. Les "Chansons d'un Invalide" lui procurent une certaine notoriété.
En 1826, il achète un terrain à Blainville-Crevon, à proximité de la Collégiale Saint-Michel, fondation du puissant seigneur Jean III d'Estouteville (1488). C'est là qu'il se fait construire une maison dont la plaque de fondation porte la date de l'année 1827. Cette maison a donc été construite rapidement. Elle était certainement habitable dès 1828, puisque le registre des délibérations du Conseil Municipal fait apparaître que le Capitaine Délorier y établit officiellement sa résidence le 27 juillet 1828.
La nouvelle maison est un édifice de 10 mètres sur 12, bâti sur deux étages avec un grenier, mais sans sous-sol. La structure intérieure est en bois, alors que les murs extérieurs sont en mortier, cailloux, et briques. La curiosité principale est un magnifique escalier "en spirale" inspiré d'une maison à Beure (Doubs) que le Capitaine avait du connaître dans sa jeunesse.

Le Capitaine Délorier, par Bernard Biget, 1826.
Restauration Atelier Jaillette, 2019.

Madame Délorier, par Bernard Biget, 1826.
Restauration Atelier Jaillette, 2019.
Bénigne-Claude Délorier appartenait à la franc-maçonnerie, et y avait atteint le grade de Vénérable. Cela explique la présence des trois points sur la plaque de fondation, à droite du "D", initiale de son nom. On conserve aussi dans la maison un trumeau, d'inspiration maçonnique, intitulé "Les Trois Ordres", et représentant la plantation d'un arbre de la liberté.
C'est dans cette maison qu'il meurt en 1852. Il repose au cimetière de Blainville-Crevon. Sa tombe est toujours visible, sa veuve ayant fait l'achat d'une concession perpétuelle.




Escalier en spirale.
Plaque de fondation; noter les trois points, à droite de l'initiale du Capitaine Délorier.
Les deux branches de lauriers forment un rébus pour ''deux lauriers''.
Les Trois Ordres, trumeau d'inspiration
maçonnique (vers 1792).
Restauration Atelier Jaillette, 2020.
La Maison change de propriétaires plusieurs fois avant d'arriver entre les mains du baron Ambroise Justin d'Acher de Montgascon. Les nouveaux propriétaires l'utilisent principalement à la belle saison, puis à partir de 1885 la louent à Eugène Duchamp qui vient d'être nommé notaire à Blainville. Ce dernier s'y installe avec sa femme, Lucie Nicolle, et leurs trois enfants, Gaston, Raymond et Madeleine. Puis viendront, Marcel, Suzanne, Yvonne et Magdeleine, tous les quatre nés à Blainville dans la maison familiale.
Quatre des enfants Duchamp deviendront des artistes de renommée internationale, les deux aînés, Gaston et Raymond, prenant les pseudonymes de Jacques Villon et Raymond Duchamp-Villon, Marcel et Suzanne conservant leurs noms personnels. Cette renommée a fait entrer la Maison Délorier parmi les nombreux lieux culturels dont s'enorgueillit notre pays.
La famille Duchamp devait se plaire beaucoup à Blainville, et les enfants y reviendront souvent en pélerinage jusque dans les années 1960.
