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CHANSONS D'UN INVALIDE, 
DÉDIÉES 

À LA GARDE NATIONALE 
DE ROUEN.

Deuxième édition, revue et augmentée.

A Rouen chez tous les libraires. 

1831

Le Capitaine Délorier (1785-1852), un rescapé des guerres napoléoniennes (l'Invalide), s'est installé à Blainville-Crevon vers 1830 (Le Blainvillais n°75, déc. 2012). Il s'était fait construire dans le bourg, à proximité de la Collégiale, une maison dans laquelle il vécut jusqu'à sa mort. Il fut enterré au cimetière de Blainville, et sa tombe, toujours visible, a été récemment identifiée par Jean-Paul Noël. Il écrivait des romans et des chansons célébrant la paix, l'amour et la joie de vivre. 

La Maison Délorier.
A gauche: plaque de fondation (noter les trois points signalant l'appartenance du Capitaine Délorier à la franc-maçonnerie);   à droite: portrait du Capitaine  (Jean-Paul Noël, août 2019)

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                             Page de garde de l'édition de 1831.

Les "Chansons d'un Invalide" ont été publiées en trois phases. D'abord en 1819, sous le titre "Loisirs d'un français", puis en 1831, et enfin, en 1846. Des additions successives enrichissent ces recueils. Cependant, certaines chansons ont aussi disparu en cours de route... La dernière édition est disponible sur Gallica. C'est la plus complète, et aussi la plus soignée du point de vue éditorial.

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Nous présentons ici la seconde édition (1831), qui a l'intérêt d'avoir été réalisée juste après la révolution de Juillet 1830 (e.g. "Le Ministère du 8 août 1829", ou Ministère Polignac). On peut aussi supposer que l'auteur était alors installé à Blainville dans la maison qu'il s'y était fait construire (à partir de 1827, d'après la plaque de fondation). Enfin, sa muse, Rebecca del Sotto (1777-1835), était encore en vie ("L'amant guerrier invalide").
On trouve dans ces Chansons un mélange de grivoiseries, en particulier parmi celles reprises de la 1ère édition, et de réflexions sentencieuses sur l'actualité, notamment en relation avec les événements de Juillet 1830. Il s'intéresse aux phénomènes de société, qu'il traite volontiers d'un ton sarcastique ("Le Gentilhomme écossais"). Il n'hésite pas à sourire des croyances populaires ("Saint-Jacques"). Par ailleurs, quelques chansons sont à part, et témoignent de l'intérêt de l'auteur pour les jardins et la nature, par exemple "Mes fleurs" ou "Le Chêne". On trouve aussi des chansons avec un thème plus philosophique, par exemple "Atropos batelière". D'abord homme de théatre avant de s'engager dans les armées napoléoniennes, Délorier était imprégné de culture classique. Enfin, certaines chansons apparaissent très personnelles, avec de détails autobiographiques ("Les souvenirs et ma belle", ou "La belle perdue" ?).
La 2ème édition intègre donc des chansons composées dans la suite des événements de 1830 ("1830"). Délorier ne semble avoir aucun problème à renier son ancienne allégance, et à soutenir le nouveau régime ("Vive le roi!"). On le sent aussi renouer avec la fibre patriotique. Cependant, c'est dans la 3ème édition, en 1846, qu'on observera avec encore plus de netteté le développement de la légende napoléonnienne. On le voit aussi prendre parti pour les grecs qui luttaient alors pour leur liberté.
A travers ces chansons c'est donc une peinture de la France populaire du XIXème siècle qui nous est livrée par Délorier. Si ses calembours et grivoiseries ne sont pas toujours d'une grande légèreté, on lui accordera de prendre le parti des gens honnêtes, pacifiques, et généreux, et de faire preuve d'humanité pour les frisettes et frégates qui peuplaient le Paris d'alors.
Il devait être courant de chanter lors d'occasions familiales, et publiques, les fameux "banquets républicains". Pour chacune de ses chansons, Délorier mentionne l'air sur lequel elle doit être chantée. A l'époque, ces airs devaient donc être connus d'un grand nombre de ses contemporains.
Les chansonniers étaient alors nombreux, le plus fameux Pierre-Jean de Béranger (1780-1857), dont on reparle plus bas, a traversé les âges. Il faut aussi mentionner Frédéric Bérat (1801-1855), auteur de "Ma Normandie", et frère de Charles-Antoine Bérat (1789-1868), bienfaiteur de la commune de Blainville-Crevon. Ces chansons étaient reproduites sur des assiettes, ce qui pouvait faciliter leur interprétation au cours des banquets.

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Assiette imprimée illustrée de la chanson Trinquons de Béranger
(Manufacture de Creil)

Parmi ses nombreux domaines d'intérêt, Anatole Jakovsky s'était aussi intéressé aux chansons populaires. C'est ainsi que La Sirène possède deux recueils des chansons de Béranger, l'un publié en 1840, "Oeuvres complètes de P.-J. Béranger illustrées par Grandville", le second publié en 1861, "Chansons de P.-J. Béranger. Anciennes et posthumes". La Sirène conserve aussi un recueil des airs de chansons de Béranger composés par Frédéric Bérat (publié en 1868), "Musique des chansons de Béranger.

Délorier est aussi l'auteur d'un roman historique ("La Famille de Surville", disponible sur Gallica, BnF), de "Contes Normands" (disponibles à la Bibliothèque Municipale de Rouen), de feuilletons publiés dans le Journal de Rouen, dont "Fiancée et Veuve", reproduit sur ce site (voir onglet "autres oeuvres"), et d'autres œuvres, dont des couplets maçonniques qui nous sont aussi parvenus (BnF).

On a utilisé un exemplaire issu du second tirage. Comme expliqué dans la préface, le premier tirage, au bénéfice des veuves et des orphelins, avait été rapidement épuisé. Ceci semble témoigner d'une certaine audience. Délorier a aussi bénéficié de critiques favorables. Dans le bulletin de la Société Libre d'Emulation du Commerce et de l'Industrie de la Seine-Inférieure (1836), on peut lire:
``M. Délorier, membre correspondant vous a fait hommage de son recueil ayant pour titre: "Chansons d'un Invalide". S'il fallait, dit M. Carault, à qui il a été renvoyé, juger les chansons de nos jours d'après les règles tracées par Marmontel dans sa poétique, assurément il serait difficile de reconnaître le genre si restreint à l'époque où furent publiés les "Elémens de Littérature". C'est principalement au chansonnier philosophe, tout le monde le sait, que ce genre de poésie est redevable d'une noblesse et d'une élévation dont on ne le croyait pas susceptible avant lui. Marchant sur les traces de Béranger, et grâce à la verve et à la facilité qu'il a déployées, notre confrère a eu, dans cette localité du moins, l'heureux privilége de partager avec l'Horace français l'avantage d'égayer les réunions de famille. Il est telle de ces chansons que Béranger lui-même n'eût pas désavouée; quelques unes se font remarquer par une grande facilité, une douce morale et des pensées heureuses; plusieurs autres sont inspirées par une franche gaîté, une malice ingénieuse et un sage épicuréisme. Enfin, dit le rapporteur, en terminant, le plus grand nombre des chansons qui composent le recueil de M. Délorier, sont écrites sur des sujets politiques et portent le cachet de circonstances auxquelles elles survivront. Elles ne sont pas toutes irréprochables sous le rapport du style et de la justesse de la pensée ou de l'expression, mais elles sont toutes dictées par un sentiment qui ne rencontrera que des approbateurs, l'amour de la patrie et de la liberté.''
(texte aimablement communiqué par Monsieur Daniel Fauvel, Président de la Société Libre d'Emulation de la Seine-Maritime.)


note: j'ai maintenu la graphie telle qu'elle apparaît dans l'exemplaire que je possède. Bien sûr, l'écriture a évolué depuis 1831, mais on remarquera aussi d'évidentes erreurs de typographie, qui ont été volontairement conservées lorsque celles-ci ne gênaient pas la compréhension. 

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